Camille Martin (1896 - 1980)

Camille Martin est né à Bramois, en 1896. Quelques mois après sa naissance, ses parents, Philomène et Amilcar, s’installent à Réchy où naîtront huit autres enfants. 
Après ses classes primaires, à l’exemple de sa mère institutrice, il suit les cours de l’École normale, et s’engage dans l’enseignement. « Instituteur à Réchy, je gagnais cent cinq francs par mois durant le semestre d’école. Le reste de l’année, il fallait se débrouiller », écrit-il dans la revue Treize Etoiles, en mars 1973. 
Camille se débrouille en offrant ses services à l’Office des poursuites, à Sierre, puis aux bureaux de l’Alusuisse.
En 1923, il épouse Julie Eggs de Granges qui met au monde sept enfants. Le salaire d’un instituteur payé pour six mois d’école ne suffit pas, même s’il est complété par un revenu d’appoint. Aussi Camille Martin quitte-t-il l’enseignement pour se consacrer à plein temps à son emploi, à l’Alusuisse, jusqu’à sa retraite. Les fins de journée et les samedis, il représente la Banque cantonale du Valais, accueillant les clients dans son bureau, à domicile. 
En 1938, il perd son épouse, âgée de quarante-trois ans, alors que leur dernier enfant n’a que six mois. Deux ans plus tard, il unit sa destinée à Louisa Cheseaux. L’enfant de ce remariage, une fille, décède à la naissance.
Comment Camille Martin est-il venu à la musique ? Il s’en explique lui-même dans la revue précitée. « Dans les communes, l’instituteur est souvent appelé à de nombreuses occupations. Un organiste se fait vieux, il faut le remplacer. Une chorale se forme, il faut un directeur. Avec les bases musicales de l’École normale, le départ était donné... Chercher soi-même, voilà le destin qui m’attendait. »
Contrairement à son frère Charly, plus jeune d’une vingtaine d’années, Camille Martin n’a pas suivi les cours d’un conservatoire. Il s’adonne à la musique avec les connaissances acquises durant ses études, aidé par les circonstances et poussé par le désir de rendre service. Les dimanches, il tient l’orgue à l’église de Chalais. Dès 1923, il dirige le chœur d’hommes l’Espérance et en assume la direction pendant une quarantaine d’années.
Tout comme son frère Charly qui fera une brillante carrière musicale de chef de chœur et de compositeur, Camille Martin a un sens inné de la musique.

« Papa était habité par la musique, explique sa fille Thérèse. En promenade, tout en nous apprenant le nom des fleurs, il chantonnait, fredonnait. Rentré à la maison, il mettait la mélodie sur le papier. Au travail, à son bureau de comptable, il lui arrivait de transcrire à la hâte, une mélodie, entre quelques additions. Il fallait le distraire de sa musique.»
Charly, musicien accompli, et Camille, musicien quasi autodidacte, ne manquent pas de s’entretenir de musique et, à l’occasion, de collaborer, le cadet composant la musique et l’aîné le texte. Ainsi, la cantate Saint Othmar ou La Maison relevée qui date de 1959 porte la signature des deux frères.
En 1961 arrive le temps de la retraite. Dès lors, Camille Martin peut se vouer entièrement à la musique. Il écrit des pièces à quatre voix qu’il destine à un chœur mixte dont il suscite la création en faisant appel à des membres du corps enseignant, à des chanteurs du chœur d’hommes qu’il dirige et à quelques jeunes filles. Une vingtaine de voix répondent à son invitation. En 1962, la Chanson villageoise se constitue officiellement avec un comité, des statuts et un premier président, Léo Métrailler.
Les relations entre le chœur d’hommes et le nouveau chœur mixte sont d’abord tendues, avant de s’apaiser au fil du temps. Dès lors, les deux chœurs ont eu maintes occasions de démontrer leur estime réciproque et leur volonté d’œuvrer ensemble à des projets d’envergure.
Les premières répétitions de la Villageoise ont lieu au domicile même du directeur, puis dans une pièce mise à disposition par Jean Duay, au rez-de-chaussée de sa maison. « Un peu de badigeon au plafond, écrit Léo Métrailler, de la tapisserie sur les murs, quelques bancs rudimentaires, un vieux fourneau à bois, un pupitre pour le directeur et voilà la Villageoise installée tant bien que mal pour plusieurs années. »

La Villageoise devient l’enfant chéri de Camille Martin. « Son dévouement était sans limite, note, en 1980, un chroniqueur du Nouvelliste. Il ne comptait ni son temps, ni sa peine, écrivant lui-même musique et textes de sa composition, les multipliant le plus souvent par ses propres moyens. Il ne réclamait aucun salaire ... Il était, par contre, très sensible à la réussite d’une soirée ou d’un concours ... et lorsque le public aimait l’une de ses œuvres, il en était vraiment heureux. »
Des chanteurs se souviennent encore : « M. Martin avait écrit une partition pendant la nuit. Le lendemain, il nous convoquait. Avec un brin de fierté dans la voix, il nous disait : « Écoutez ce que j’ai écrit ! »

Avec la Villageoise, Camille Martin anime de nombreuses soirées et des rencontres en Valais. La chorale et son directeur participent régulièrement aux Vendredis sierrois qui deviendront les Soirées sierroises. Voici ce qu’en rapporte La Feuille d’avis du Valais, en 1964 :
« Le fervent patoisant qu’est le maître de musique Camille Martin était venu avec sa phalange en costumes des diverses vallées d’Hérens, Evolène, Savièse, Anniviers et deux belles blondes au chapeau valaisan... »
Plus sérieusement, en août 1974 :
« Pour terminer, La Chanson » de Vercorin interpréta avec sincérité et conviction « La Vieille Fileuse » de son directeur-compositeur Camille Martin. Traduit en patois valaisan authentique, ce chant repose sur une structure musicale originale, d’une facture soignée et d’une simplicité d’écriture qui lui confère un charme singulier...
Parvenu à un âge où de nombreux citoyens se tournent les pouces en se demandent comment faire pour tuer le temps, Camille Martin, musicien affable et accueillant, démontre par les actes que les ans n’ont pas de prise sur l’homme impeccablement voué à la poursuite d’un idéal. »

Le chœur se déplace à Lausanne, à Montreux, à Morges, à Zurich. En 1965, le voici à Saint-Ursanne où il a l’honneur de représenter le Valais à la Fête romande des patoisants. Le dernier chant interprété, Camille Martin se tourne vers le public et déclare : « Nous chantons Valais, mais nous pensons Jura ! » Enflammé par cette allusion à l’indépendance pour laquelle les Jurassiens luttaient, le public se lève en applaudissant à tout rompre.

Commentant la prestation du chœur à Saint-Ursanne, la revue Le Conteur romand écrit : 
« Vient alors sur le podium, cette inoubliable Chanson villageoise de Chalais. Costume évolénard, d’Hérémence, de Savièse, et j’en passe. Ses chanteurs paraissent divinement inspirés et le directeur, M. Camille Martin, auteur des paroles et de la musique, fait corps et âme avec leurs voix : c’est miraculeux de finesse musicale et d’ingénue simplicité. Avec eux, le Valais chante et s’honore. »

Sans être aussi dithyrambiques que leur confrère jurassien, les chroniqueurs de l’époque rédigent des comptes rendus élogieux des concerts de la chorale. Le directeur ne s’en émeut pas : « Les succès n’entamèrent jamais sa simplicité, écrit le Nouvelliste, en janvier 1980. Il demeurait toujours le même, avec son éternel sourire au coin des lèvres. »

Ce qui comptait pour Camille Martin : que ses compositions puissent être interprétées avec qualité et qu’elles apportent du bonheur aux auditeurs.
En 1971, diminué, il cède la direction du chœur devenu la Chanson de Vercorin à Léo Métrailler qui assume ce remplacement avec compétence. En 1975, fatigué et malade, Camille Martin abandonne définitivement la Chanson, « cette Chanson , écrit Léo Métrailler, qui fut son dernier enfant, qu’il aima infiniment, qu’il porta à bout de bras et qui fut, en retour, un rayon de soleil dans le crépuscule de sa vie. »

Camille Martin décède en janvier 1980. Ses qualités humaines sont saluées par la presse. « Que sur la gamme de la vie demeurent les points d’orgue de sa gentillesse et de sa tendresse ! », écrit le Journal de Sierre. Sa valeur artistique est, elle aussi, reconnue : « Il fut l’un des grands chantres de ce canton et de sa région », ajoute le même journal.
S’il était habité par la musique, Camille Martin n’en cultivait pas moins d’autres talents : peintre au joli coup de crayon, il installait son chevalet devant les clochers et les paysages du Valais central. Lecteur assidu, il nourrissait sa curiosité au contact des auteurs. Promeneur infatigable, il goûtait le spectacle de la nature qui apaisait ses inquiétudes. Amoureux des mots, il composait des poèmes dont une trentaine ont été recueillis dans une plaquette intitulée Propos en Vers.
Camille Martin laisse le souvenir d’un homme sensible, délicat, raffiné. Noble dans les sentiments, il fuyait toute vulgarité. Doué de talents multiples, il travailla avec passion au rayonnement du chant populaire et à la sauvegarde de la culture du Valais traditionnel. Qu’il en soit à jamais remercié !
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